Le bosquet

Résumé

En trois tableaux et trois voyages, ce roman dessine des itinéraires italiens, loin des sentiers battus. Le premier trajet qu’emprunte la narratrice, seule, avait été planifié à deux. Mais M., l’être aimé, est décédé deux mois plus tôt.  Nous sommes en janvier, et les brumes enveloppent les collines autour d’Olevano, près de Rome, où une maison avait été louée par le couple. La narratrice a emporté quelques vêtements du défunt, mais on lui dérobe la valise juste avant son arrivée. Elle essaie de prendre ses marques malgré tout, se promène dans les oliveraies, va jusqu’au cimetière de la petite commune, se renseigne sur les gens enterrés sur place. 
Un autre souvenir d’Italie lui revient. Elle est adolescente, son père est amoureux de la langue italienne et du pays. Une effrayante dispute entre ses parents précède alors un incident sur la plage, quand le père nage si longtemps et si loin de la côte que tout le monde le croit noyé. La petite fille pense qu’elle devra rester en Italie et se débrouiller avec les quelques mots que le père lui a appris… 
Puis la narratrice adulte entreprend un autre voyage en explorant la région du delta du Pô. Elle cherche le jardin des Finzi-Contini à Ferrare, longe des canaux déserts et découvre des stations balnéaires abandonnées. Elle visite une nécropole étrusque, et devant les mosaïques de Ravenne, repense à son père et à ses explications.

Les choses rapportées, les anecdotes et péripéties se déploient sous nos yeux dans des nuances infinies pour dire les couleurs, les odeurs d’un bosquet, d’une colline, d’une plage, d’un canal, d’un olivier, du ciel. En creux, ce texte d’une infinie richesse, sublimant  les paysages et les lieux traversés par une langue inouïe de précision,  raconte le deuil, l’absence et l’amour.

Auteur (e) (s) (es)

Esther Kinsky
Traduction : Olivier Le Lay 

A propos de (s) auteur (e) (s) (es)

Esther Kinsky est née en 1956. Romancière renommée en Allemagne et traductrice notamment de poésie anglo-saxonne, elle a vécu longtemps à Londres, puis séjourné en Europe centrale et en Italie. Parmi les nombreuses distinctions qu’elle a reçues, citons le prix Paul Celan ainsi que le prix Franc Hessel et, pour Le Bosquet, le prestigieux Prix de la Foire de Leipzig. La traduction française de son roman La Rivière (Gallimard 2017) lui a valu un accueil critique unanime.

Olivier Le Lay a traduit deux prix Nobel de langue allemande, Peter Handke et Elfriede Jelinek. Il a obtenu le prix Jules Janin de l’Académie française pour sa nouvelle traduction du chef-d’oeuvre d’Alfred Döblin, Berlin Alexanderplatz.

Lire un extrait

Critique de Laetitia Favro sur le site onlalu.com

Conjurer l’absence

A la mort de l’être aimé, la narratrice se réfugie dans une maison perchée sur les hauteurs d’Olevano, près de Rome. Pour conjurer l’absence de celui qui aurait dû l’accompagner dans ce voyage, elle observe le village s’éveiller dans les brumes de janvier, les commerçants accomplir jour après jour les mêmes gestes, qui la rassurent. « Avant d’entrer dans le veuvage, on peut bien songer à la mort, pas encore à l’absence. Elle est impensable aussi longtemps que subsiste une présence. » Au cimetière d’Olevano, où ses pas la conduisent aveuglément, elle observe le va-et-vient des familles, s’enquiert de l’existence des défunts, mais demeure au regard de tous une étrangère. « Sans doute faisais-je figure d’intruse à leurs yeux, rien ne m’autorisait à venir en ce lieu, moi qui n’avais aucune tombe sur laquelle me recueillir. » L’Italie lui est pourtant familière depuis l’enfance et les vacances estivales, dont le souvenir se mêle à celui de son père et d’une violente dispute qui l’avait laissé, pendant quelques heures, orpheline. Passé et présent s’entremêlent dès lors, puis font écho au périple que la narratrice entame du delta du Pô au Trastevere romain, et Ferrare, où elle aurait dû partir avec son amant sur les traces des Finzi-Contini.

Méditation sur le deuil et notre présence au monde, Le bosquet se déploie comme un triptyque où les silhouettes des morts côtoient celles des vivants, et les anonymes d’illustres figures. En mouvement permanent, l’écriture d’Esther Kinsky (magistralement traduite par Olivier Le Lay) saisit, au sens photographique du terme, les impressions, saveurs, senteurs et nuances inépuisables de ces paysages méridionaux qu’il ne s’agit pas simplement de visiter, mais d’en saisir l’essence à travers les êtres qui les animent. Après La rivière (Gallimard, 2017), dans lequel la narratrice remontait le cours de ses souvenirs en même temps qu’un affluent de la Tamise, l’écrivaine confirme son talent à sublimer des lieux dont elle s’empare avec une infinie délicatesse.

Date de parution

Bernard Grasset
Parution : 12-02-2020