Titre

Les équilibristes

Réalisatrice

Perrine Michel

Synopsis

 On ne vient pas ici pour guérir, mais pour vivre le plus pleinement possible ses derniers jours. Ici, c’est un service de soins palliatifs. Au quotidien, des soignants font corps et s’écoutent les uns les autres, pour être au plus près des patients.
En parallèle des scènes montrant une médecine pleine d’humanisme, la voix de la cinéaste se fait entendre. Elle accompagne, elle aussi, sa mère à travers la maladie.
Quatre danseurs mettent en lumière la chronique de cet accompagnement

Critique de AVoirALire

Les équilibristes relate une expérience cinématographique et théâtrale. Le propos évoque la vie qui se défait pour des patients en service de soins palliatifs et la propre mère de la réalisatrice. Un film pudique et déstabilisant.

Deux scènes se font face. Celle d’un théâtre où la réalisatrice prépare un spectacle et évoque la maladie de sa mère, et celle d’un hôpital, dans un service de soins palliatifs, où les décès se succèdent dans une mise en scène austère, défensive, où chacun des soignants se protègent. Perrine Michel téléphone à sa mère, atteinte d’une tumeur redoutable à la gorge, elle échange avec ses proches, pendant que les comédiens exécutent des sortes de danses dans la pénombre des planches. La voix de la réalisatrice est presque infantile. Le visage est absent, pour laisser place aux seuls acteurs sur la scène. L’art est une sorte de rempart contre la douleur, la peur de la mort, la brutalité du diagnostic. Et en même temps qu’elle traverse le fracas de la maladie de sa mère, elle engage ce documentaire dans un service hospitalier.

Les soignants ont leur propre rituel, leur propre danse. Il y a beaucoup de silence. Il y a la pudeur avec laquelle ils constatent un décès. Il y a parfois un souffle, à peine, à l’instar des comédiens qui parcourent la scène. Les blouses sont aussi blanches que les costumes et les visages des acteurs semblent noirs dans la faible luminosité du théâtre. On peut continuer de rire, de vivre sa grossesse, même quand il faut parler du dossier tragique d’un patient. Les vies s’opposent et se complètent, celles des malades au bord de mourir qu’on ne voit pas, celles des infirmières et des médecins, et celles des comédiens. Chacun vient avec ses histoires, son passé, son engagement professionnel, sa famille, mais chacun vient dans ce service pour mourir le moins mal possible. Le personnel médical raconte ces vies en équilibre précaire et la caméra choisit de se figer sur les visages, toujours sereins, là où elle choisit de filmer les corps sur la scène de théâtre.

Les équilibristes décrit la lutte contre la douleur. La seule préoccupation des soignants est d’éliminer les atteintes douloureuses à l’anatomie et à l’âme. C’est la raison pour laquelle la réalisatrice filme la désarticulation du corps de ses comédiens, pendant qu’en voix off, elle raconte le parcours maladif de sa mère. L’écoute de l’équipe soignante est très belle. Il y a dans les mots employés une grande considération du patient, beaucoup de dignité, là où la réalisatrice s’autorise une parole de passion, de tristesse ou de colère. Le film rend hommage au personnel médical, à leur engagement, à leur empathie. Il rend hommage à la violence que les comédiens imposent à leur corps pour le spectacle. Drôle de paradoxes : dans un espace médical, on lutte contre la violence commise sur ces mêmes corps, là où sur une scène de théâtre, on pousse jusqu’au bout leurs capacités.

Perrine Michel se confie au spectateur, pendant que défilent les images des danseurs ou des extraits de film plus expérimentaux. Elle ne sombre pas dans l’impudeur. Elle met en mots le parcours de fin de vie de sa mère. Elle donne à entendre l’intrusion médicale sur le corps de celle-ci, l’absence totale de tact chez les médecins, la réduction des patients à leur pathologie, l’inverse même de ce que la réalisatrice montre dans le service de soins palliatifs. Elle lutte en réalité contre elle-même. Parfois, les paroles s’emmêlent. Elle ne pleure pas. Ou très peu. Elle filme. En filmant, elle tente de se libérer de l’indignation. Elle crée parce que sans doute, quand le pire survient dans une vie, c’est la meilleure des choses à accomplir. Elle crée et elle termine son film sur une naissance et des éclats de rires, comme un hommage à la vie, la vraie vie.

Critique de Télérama par Guillemette Odicino

Publié le 13/10/2020

La réalisatrice de documentaires filme au plus près le personnel de l’unité de soins palliatifs des Diaconesses, à Paris, qui accompagne des personnes de tous âges vers leur dernier souffle. Dans une belle pudeur, elle choisit de ne jamais montrer les malades, dont les souffrances, les peurs, mais aussi les petits bonheurs, ne sont perçus qu’à travers les paroles échangées entre leurs soignants si humains. En contrepoint, en voix off, l’auteure détaille les dernières heures de sa propre mère, atteinte d’un cancer, et elle alterne ce témoignage avec des séquences de chorégraphies, métaphores de la douceur et de la douleur des corps. Ainsi se dessine une chronique toute personnelle et funambule de ce qui vit et vibre encore avant la mort.

Sélections et distinctions
  • 2021 • Festival cinéma La Rochelle (France) • Sélection « Ici et Ailleurs »
  • 2021 • La 25e image – Festival du film social Aubervilliers (France) • Mention spéciale du jury
  • 2020 • FIFF – Festival International du Films de Fremmes Créteil (France) • Sélection
  • 2020 • Filmer le travail Poitiers (France)  Sélection
  • 2020 • Festival Interférences – Cinéma documentaire & Débat public Lyon (France) • Parcours « Histoires pour prendre soin du quotidien »
  • 2020 • Les rencontres du réel  LBergerac (France) • Sélection

Année de création

2020.

Sortie en salle le 14 octobre 2020