Titre

Plus que jamais

Réalisateur – interprètes

Film dramatique de Emily Atef          Réalisé par Emily Atef, Lars Hubrich. Avec Vicky Krieps, Gaspard Ulliel, Bjorn Floberg.

Synopsis

Hélène et Mathieu sont heureux ensemble depuis de nombreuses années. Le lien qui les unit est profond. Confrontée à une décision existentielle, Hélène part seule en Norvège pour chercher la paix et éprouver la force de leur amour.

La critique du Monde par Murielle Joudet

Plus que jamais ne peut être qu’une étrange expérience de cinéma, puisqu’il figure la dernière apparition de son acteur, Gaspard Ulliel, mort dans un accident de ski en janvier 2022, à l’âge de 37 ans. Le spectateur passera toute une projection à se débattre avec cet événement tragique, tentant de le mettre de côté, bien qu’il vienne constamment s’inscrire en surimpression sur les images d’Emily Atef, jusqu’à transformer la fiction en document involontaire.

C’est d’autant plus troublant que le film se veut une méditation sur la mort, filmée à travers l’histoire d’un homme, Mathieu (Gaspard Ulliel), et d’une femme, Hélène (Vicky Krieps), qui souffre d’une maladie auto-immune inguérissable. Ne supportant plus la pitié embarrassée qu’elle lit dans les regards de ses proches, la jeune femme va peu à peu s’isoler, embrasser la solitude et la compagnie d’un blogueur norvégien dans le même état qu’elle.

En dehors de ses accents douloureusement prophétiques, le film, centré sur l’histoire de l’isolement d’Hélène, veut saisir au plus près comment la maladie reconfigure l’amour, la vie sociale, l’idée même d’avenir. Et comment il devient vite insupportable d’être une mourante au milieu des vivants. Hélène voyage seule en Norvège pour retrouver ce blogueur, qui lui prête sa petite cabane près d’un fjord. Dans sa retraite, la jeune femme vit de peu, de balades, de sommeil, de repas pris en compagnie de son nouvel ami, et sous l’œil d’un soleil norvégien qui ne décline jamais.

Exil norvégien

Dans ce paysage pris dans la glace, la maladie se résume à un état de flottement beaucoup plus supportable. C’est ce qui semble intéresser Emily Atef : déprendre la maladie de sa seule appréhension médicale, sociale, en la déplaçant au milieu d’une nature indifférente. Une déterritorialisation salvatrice pour l’héroïne comme pour le film : s’extirpant de France, Plus que jamais se détache aussi du cinéma français et de ses automatismes, dans lesquels la première partie, qui relevait plus d’une mise en place, s’engouffrait.

Cet exil norvégien figure une stase, un espace-temps dévolu à l’observation de son actrice, Vicky Krieps : la caméra capte à coups de gros plans ce visage aux allures de petite chouette, étrange rémanence de Meryl Streep, jeune. L’actrice luxembourgeoise s’avère fondamentalement désancrée, toujours en fuite – échappée qui avait d’ailleurs commencé avec Serre moi fort, de Mathieu Amalric (2021).

Réduit à des apparitions en visio, Mathieu finit par rejoindre Hélène. C’est d’ailleurs ici que leur amour s’incarne enfin, notamment lors d’une très belle scène d’étreinte, moite, longue et forcément émouvante tant les derniers résidus de fiction s’y dissolvent. On laissera le spectateur découvrir la dernière séquence qui, en choisissant d’éloigner lentement Mathieu de notre regard, scelle le destin du film, tour à tour portrait d’une actrice et tombeau d’images pour un acteur.

 

Année de création

Sortie le 16 novembre 2022